Dans les années 90, le jeune Antony Huchette passe ses après midis les yeux rivés sur les séries américaines de Parker Lewis ne perd jamais à Sauvés par le gong en passant par le Cosby Show. Grand bien lui en a pris. Quand deux décennies plus tard, il part s’installer à Brooklyn, ses vertes années refont surface et Jessie, Denise, Brenda et les autres reviennent hanter son imaginaire. Entre temps, Antony est devenu un scénariste et un dessinateur talentueux, il a étudié l’animation aux Arts Décoratifs de Strasbourg, a travaillé avec Blutch sur le film Peur(s) du noir, il réalise des films d’animations et écrit des bandes dessinées. Si vous me passez la métaphore culinaire douteuse, je dirais que tous les ingrédients étaient réunis pour préparer Brooklyn Quesadillas!
Dans cette véritable odyssée moderne qu’est Brooklyn Quesadillas, Antony Huchette évoque avec poésie la crise existentielle provoquée par la paternité. C’est d’abord une plongée dans le quotidien de Joseph, récemment débarqué à Brooklyn et réalisateur d’un talk-show animalier. Rythmée par son émission, sa vie se dévoile par petites touches, à travers ses déambulations dans la ville, ses journées de travail au café Madeline, et les moments de bonheur avec son fils. Puis, peu à peu, surgissent les angoisses qui le traversent et qu’il ne sait comment surmonter. Les difficultés financières liées à sa vie d’artiste, la peur de vivre une vie déjà toute tracée. C’est alors que tout bascule. Joseph se retrouve entraîné dans un univers hors du temps, où tout devient possible. Les sirènes de Governors Island, actrices des années 1980-90 tombées dans l’oubli, lui font miroiter l’opportunité de vivre éternellement une jeunesse sans responsabilités. Ce n’est qu’au terme de ce voyage initiatique, parsemé de rencontres toutes plus surréalistes les unes que les autres, qu’il pourra définitivement accepter la stabilité du monde adulte, dans un dernier adieu à l’adolescent qu’il a été et qu’il ne pourra plus être. Nourri de références cinématographiques et graphiques, comme autant de clins d’œil à la nostalgie d’un passé révolu, Brooklyn Quesadillas aborde avec légèreté cette angoisse universelle qui nous saisit face au temps qui passe.
Brooklyn Quesadillas est un nouveau livre de la collection Pierre, imprimé en noir et blanc. Il fait 72 pages et mesure 17 x 24 cm. Il coûte 14,50 euros.