Depuis le temps que j’entends dire « Delphine, espèce de petite peste, tu ne peux donc jamais te soucier un peu des autres ? », je tenais à défendre ma réputation; et j’avoue que quand j’ai fini de mettre des raclées à Raoul à la cantine, il m’arrive parfois de m’intéresser à mes congénères, dont le sort est nettement moins enviable que le mien. Je me suis donc penchée sur le destin de Barthélemy, malheureux enfant condamné à la vie éternelle. Son rêve ? Mourir vite, et surtout définitivement ! Quel crétin ! Qu’il ne compte pas sur moi pour lui expliquer comment en finir avec la vie, c’est pas mon problème ! Avec son dessin faussement naïf mais carrément efficace, Simon Roussin, en nouveau pionnier de la ligne claire, raconte le quotidien d’un enfant trop vieux, pour qui la vie n’a plus de sens. Et comme vous nous connaissez, dans la famille, on aime la franchise et le bon saucisson, on va vous dire ce qu’on en pense : c’est un livre magnifique, éternellement beau, et bien sûr, à lire d’urgence, autant pour ceux qui débutent dans la vie que pour ceux qui se rapprochent de la fin.
M. Barthélemy se meurt. M. Barthélemy est mort. Mais non. Encore raté. M. Barthélemy ne meurt jamais. À chaque fois, il revient à la vie sous la forme d’un petit garçon. Et tout recommence. L’enfant a vu construire les pyramides, combattu avec le Roi Arthur et voyagé avec Hemingway. Le souvenir de ses vies multiples lui pèse. Et puis, combien de bougies mettre sur son gâteau d’anniversaire ? Avec le fidèle Toussaint, un domestique qu’il aime comme un fils et qui le traite comme un père, et le mystérieux Auguste Salomon, un aventurier légendaire qui erre à travers les siècles, l’enfant sans âge se lance dans une quête ultime : comment mourir pour de vrai ? Entre feuilleton d’aventure et conte fantastique, ce récit à la simplicité trompeuse joue avec les ellipses, les ruptures de ton et applique les codes de la bande dessinée classique à une méditation mélancolique sur la destinée humaine. « La désespérance », écrit Kierkegaard, « c’est le manque du dernier espoir, le manque de la mort. »
Né en 1987, Simon Roussin découvre la lecture avec Tintin et de vieux numéros de Spirou, l’aventure avec Ivanhoé et Moby Dick, et il grandit avec Steve McQueen, Jean-Paul Belmondo et Clint Eastwood. Très tôt, il décide qu’il racontera et dessinera des histoires. Ses premiers albums s’inscrivent dans des genres traditionnels?: polar, fantastique ou western. Derrière le classicisme, l’intrigue est prétexte à expérimenter une forme de bande dessinée différente, libérée du gaufrier et des bulles, qui s’épanouit sur grand écran et en Technicolor. Les pages de Simon Roussin expriment une vraie jubilation, le plaisir enfantin d’imaginer des histoires et de donner vie à des personnages. Mais s’il transporte le lecteur au-delà de son quotidien banal et grisâtre, dans un univers coloré et romanesque, il le confronte aussi à la peur et à la mort. La fausse naïveté, le premier degré emprunté aux vieux comics, cachent une remise en cause des codes narratifs et de l’idée même de héros.
Barthélemy l’enfant sans âge est le seizième livre de la collection Delphine. Il mesure 20 cm x 15 cm, compte 80 pages et coûte 14,50€