Des trois rééditions estampillées Pierre La Police de ce mois d’avril, Attation ! est celle qui bénéficie de la refonte la plus radicale. Imaginez-vous: de la première version n’ont été conservé que le dessin de couverture, le titre et… 3 images ! Si l’on ajoute à cela que cet ouvrage de 64 pages était à l’origine en noir et blanc quant il est ici proposé dans une bichromie vert anis/rose fuschia et compte 96 pages, on comprendra qu’il ne s’agit plus du même livre.
Pourquoi dans ce cas persister à conserver le même titre ? Eh bien, disons que… Je ne veux pas charger mon frère Raoul, qui en fût l’éditeur en 1998 mais, avec toute la reconnaissance que je lui porte pour m’avoir laissé reprendre ce livre, il faut bien admettre qu’il avait travaillé comme un porc (no offense, Gilbert). Pas de chemin de fer précis, un gestion de la typographie et des placements approximative, un retraitement des images discutable, un format peu approprié au matériel.
Bref, un loupé intégral. Pierre La Police lui-même, qui est connu pour sa mesure et pour ne jamais dénigrer qui que ce soit, me le confiait récemment sous le sceau du secret: « Ton frère a bossé comme une merde ». J’ai juré de ne pas le répéter, alors vous gardez ça pour vous, évidemment.

La première version était en fait composée autour d’une sélection de dessins de presse et de différents travaux d’illustrations. Pour Cornélius, ce livre marquait le passage à la maquette en tant que telle; il ne s’agissait plus de caler correctement des planches dans un espace donné mais d’organiser des images disparates et de les accompagner de textes. Quelques mois d’apprentissage plus tard, en feuilletant le livre, il est apparût à Raoul que la bonne volonté ne compense pas les lacunes techniques.
En parallèle, Pierre La Police a fini par trouver anecdotique cette compilation de boulots de commandes et de vieux dessins. L’un et l’autre refusant de s’avouer le ratage, chacun rangea ses exemplaires d‘Attation au fond de sa bibliothèque en tâchant de ne plus y penser. Le livre a fini par s’épuiser et par sortir des mémoires en même temps qu’il disparaissait du catalogue.

Et puis un jour, votre serviteur s’est vu confié le fond de la collection Raoul par son grand-frère, ce dernier changeant de format pour tenter de nouvelles expériences avec Sébastien Lumineau, Charles Berberian ou Benoît Preteseille. Fouillant dans les archives, j’ai retrouvé cette rareté mal faite et mal-aimée. Le titre claquait, la couverture aussi, il ne restait plus qu’à convaincre Pierre La Police d’en faire quelque chose de radicalement différent. J’y ai mis toutes les formes diplomatiques, tachant de ne pas critiquer ouvertement le livre; lui-même, en retour, trouva des périphrases pour ne pas dire tout le mal qu’il en pensait et usa de toute son affabilité pour me faire comprendre sa position, qui pouvait se résumer à « Plutôt crever, petit con ».

Et c’est ainsi que nous sommes tombés d’accord pour rééditer Attation. C’est-à-dire pour créer un nouveau livre en faisant croire à tous qu’il s’agissait encore d‘Attation !. C’est comme peindre par-dessus une ancienne toile, en quelque sorte; le meilleur moyen de faire oublier ses erreurs étant de les corriger.
Pour les quelques « chanceux » qui possèdent la première édition, qu’ils ne radinent pas à acheter la nouvelle; la revente de l’ancienne sur Ebay compensera largement leur achat, qui mesure 14,5 x 16,5 cm pour 96 pages en bichromie, couverture à rabats imprimée recto/verso. 14 euros seulement ! En librairies le 21 avril.